L’été 2022, Evasoleil a expérimenté pour la première fois des Agoras quotidiennes sur le séjour estival organisé à Montalivet, en Gironde. Cet article vise un partage d’expérience qui nous semble intéressant à vous raconter, jeunes, parents, animateurs, bénévoles ou volontaires dans l’univers de la colonie de vacances.
Pourquoi cette idée?
Notre colo est organisée en plusieurs camps, qui accueillent chacun un groupe d’âge : Les 6-10 ans, les 11-14 ans, et 2 groupes d’ados. Chaque camp a un fonctionnement qui lui appartient, avec un planning que créent les jeunes, des assemblées de jeunes pour organiser, prévoir, modifier, ajuster la semaine.
Nous nommons “village” l’ensemble des camps et des espaces communs aux groupes, mutualisés. Il s’agit d’une réserve de matériel, un garage à vélos, une petite cuisine, un espace brico, un poulailler, un accueil. On y trouve aussi une petite place d’ateliers, nommée place des droits de l’enfant, des sanitaires, une laverie, un terrain de beach-volley.
Le village comporte depuis 2019 des grands principes valables pour tous, et partout dans le village rassemblés dans une “Constitution”. Chaque espace a son fonctionnement propre, qui a été co-construit peu à peu, pour s’adapter à son utilisation par tous.
Dès 2019, nous avions eu l’idée d’y associer des enfants de chaque groupe et pour rendre possible et fluide l’idée, nous avons expérimenté un “conseil de village” où des enfants et des jeunes volontaires de chaque groupe, des animateurs et un membre de la direction siégeaient. Cette expérience de démocratie indirecte, bien que comportant plein de points positifs, n’est pas apparue dans la pratique comme très cohérente avec le reste de notre projet : quelques jeunes étaient très investis, mais nous ne parvenions pas à faire émerger chez les autres beaucoup d’initiatives, de formes de participation, d’appropriation du village. Il nous semblait que le village “appartenait” à quelques uns. Mais que ce n’était pas l’affaire de tous. Même si certains jeunes étaient investis, mais le relai sur les camps (avec les autres jeunes) des décisions était difficile.
Nous n’avions pas non plus aménagé d’espace d’animation dans le village à part un lieu de rencontre inter âge devant l’accueil. Nous n’avions pas réfléchi réellement à des moyens de participation des jeunes à cette échelle de la colo.
Une commission ouverte s’est alors créée pour y réfléchir. La base de la réflexion était alors : Comment développer une forme de citoyenneté (au sens premier de participation à la vie de la cité, pour nous “le village”), en complément de ce qui existe déjà sur les groupes d’âge, agréable, valorisante et ouverte à tous?
C’est en cherchant à répondre à la question que la commission a inventé un espace ouvert à tous, tous les jours, pour parler, chanter, débattre, rire, jouer du théâtre, valoriser un projet, parler d’une proposition… La commission l’a nommé “Agora”.
L’idée des membres de la commission était de faire un lien entre la “citoyenneté” (la participation à la vie de la cité d’après les grecs et les romains) et “l’agora'”, la place d’expression et de débat dans la cité grecque… L’agora a été pensée comme un lieu et un temps pour s’exprimer publiquement, pour débattre, pour présenter, pour se rencontrer.
Comment les agoras se préparent ?
Cette même année, Evasoleil a nommé l’ex adjoint chargé des espaces communs, de l’organisation du village, “l’animateur du village”.
Il était repéré par tous comme la personne chargée d’animer le village. Il gérait, avec les bénévoles, les enfants et les jeunes qui spontanément l’aidaient, tout ce qui est commun dans la colo.
Et il coordonnait la préparation de l’agora.
Il était, selon les moments, chercheur de talents, d’activités des groupes qui pouvaient être valorisées, de sujets à débattre qu’il pouvait entendre ici ou là, d’enfants et de jeunes volontaires pour gérer la technique, l’installation, l’animation au micro, la programmation, l’ordre du jour…

Un des secrets pour nous d’un bon ordre du jour c’est le rythme et la diversité. éviter de faire que de la musique ou que des débats par exemple. Il en faut pour tous les goûts et tous les âges. Ce qui n’empêche pas d’instaurer des habitudes (toujours commencer par un morceau de musique, finir par un petit bilan ou par l’anticipation des sujets du lendemain par exemple).

Une des clés pour réussir une agora, à notre avis, c’est, comme tout le reste du projet, de laisser la main aux jeunes, de se faire l’assistant, le soutien, le coordo des jeunes mais de sortir de la place centrale qu’occupent trop souvent les animateurs en séjour de vacances … laisser la place aux jeunes tout en restant rigoureux et impliqués dans l’organisation des agoras, dans la recherche constante de talents, d’envies, d’idées, de bonnes volontés parmi les jeunes…
Lorsque les semaines démarrent bien, on constate que les jeunes font vivre d’eux-même l’agora, ils viennent spontanément voir l’anim du village pour mettre leur sujet à l’ordre du jour, s’organisent dans toutes les missions qui permettent à l’agora de fonctionner et ils s’auto-régulent afin que toutes et tous y trouvent leur compte.
Les règles et principes de notre Agora :
- Ouverte à toutes et tous
- Liberté de circuler et de participer (ou non)
- A heure fixe et dans un espace dédié
- Aucune décision à prendre, que des propositions
Tout le monde y est égal, il peut y avoir un animateur mais personne n’est plus important qu’un autre, tout le monde y a les mêmes droits (adultes comme enfants)
A quoi ça ressemble ?

Sur une place aménagée de tapis de sol du village, la petite équipe de jeunes et l’animateur de village installent une petite sono en son centre, avec des micros, des instruments de musique.
Chaque soir, entre 10 et 50 jeunes viennent s’asseoir, soit pour écouter, soit pour participer. L’animateur de village s’assoie au milieu des jeunes. D’autres animateurs volontaires et disponibles, certains en congé, des bénévoles du séjour, parfois un membre du conseil d’administration les rejoignent. L’ambiance est toujours agréable, bienveillante, respectueuse sans qu’il y ait vraiment besoin de faire quoique ce soit de préventif.
Un débat animé par un ou 2 jeunes démarre par exemple, suivi d’une programmation musicale (une chanteuse, une guitariste, un pianiste, un groupe improvisé…), parfois des sketchs, des devinettes…
L’agora dure 35-40 minutes.
C’est aussi un moment rare d’intergroupe… de 6 ans à 17 ans, les jeunes interagissent, s’écoutent, s’intéressent, commentent, débattent…
On voit d’ailleurs naître de belles rencontres entre les groupes des grands et des plus petits… parfois un jeune de 17 ans accompagne un enfant de 6 ans dans l’animation de l’agora, une autre fois c’est un enfant de 7 ans qui s’adresse aux grands pour leur poser des questions sur le débat en cours…
En conclusion, pourquoi nous continuons à programmer des agoras sur nos séjours ?

Enfin, c’est une belle façon pour nous de donner vie au village de façon très concrète et agréable.
C’est aussi un liant qui concrétise la rencontre des jeunes des différents groupes, une véritable place de village qui polarise l’attention quelques dizaines de minutes par jour … sa force c’est de ne pas être obligatoire … l’agora intrigue et il n’est pas rare de commencer à 5 pour finir à 30… tout au long de l’agora les personnes affairées passent à côté mais s’arrêtent souvent 5 min pour écouter. Parfois ces mêmes personnes reviennent accompagnées et s’assoient au milieu des autres… D’autres personnes ne peuvent pas rester mais viennent tout de même assister à un morceau de musique ou à un petit jeu avant de s’éclipser.
L’agora est comme une entité mouvante et libre.
Des sujets très profonds, parfois politiques émergent naturellement dans les agoras : Le racisme, le sexisme, l’écologie, la vie au collège…
Les agoras continueront à vivre pour toutes ces raisons dans notre village.

