Autorité et adolescents : partager le pouvoir

On a l’habitude d’entendre et de dire qu’il est plus compliqué d’instaurer une autorité d’adulte avec des ados et le fait de laisser du pouvoir de décision à des jeunes est souvent perçus comme une atteinte au statut de l’adulte. Pour y répondre, quelques questions ont été posées à quatre animateurs des groupes d’adolescents, de 16 ans à 17 ans, des colos Evasoleil à Montalivet.

Comment tu fais pour installer une relation qui te permet de poser un cadre sécurisant pour tous ?

Massa : Je sympathise avec les jeunes ensuite quand il commence à être borderline ou à dépasser les limites je leur rappelle que certes je suis sympa mais aussi je suis animateur et en général ça fonctionne.

Alicia : Il est nécessaire à mon sens de communiquer, ce n’est pas toujours simple car il existe beaucoup de façons de faire, et d’anticiper. C’est davantage un réflexe personnel qu’il faut jauger qu’une technique. Le tout, c’est d’être soi, honnête et prêt à être déstabilisé mais enrichi de ces nombreuses expériences et relations humaines.

Anaïs : J’installe une relation de confiance entre les jeunes et moi où j’offre la liberté dont ils/elles ont besoin et je leur montre que je suis à leur écoute si besoin et tout ça en posant avec eux des règles de sécurité et de respect :
« je te fais confiance mais je suis responsable de toi ».

Qu’est-ce qu’il y a de particulier, de différent sur le sujet avec les ados ?

Tristan : Je crois que la question de l’adolescence est un sujet difficile en France, c’est une période que l’on n’aime pas, que l’on accompagne pas à la hauteur de l’enjeu. Ils ont besoin d’être aimé et responsabilisé, d’être accompagné et sécurisé, d’être taquiné et parfois dorloté. Ils sont à la croisée des mondes et il faut savoir s’adapter à eux individuellement. Le cadre doit pouvoir se montrer rigide et souple, il faut les accompagner à s’approprier le monde que ce soit sur la question de la relation, de la bêtise ou du collectif par exemple.

Anaïs : Le projet ados est axé sur l’autonomie et la responsabilisation de tous car ce sont les adultes de demain, ceux qui font d’eux un groupe où tout le monde est capable d’agir et de réfléchir pour se créer des vacances de rêves. On va pouvoir :
Pousser les projets de jeunes à fond
Les pousser à s’exprimer et à prendre confiance en elles/eux
Les responsabiliser sur la vie quotidienne , les dangers et la prise de décision

Massa : Sur la question du cadre, les ados sont joueurs. Ils aiment tester les limites et il faut savoir ne pas être dans la confrontation mais leur expliquer pourquoi le cadre doit être respecté et quelles responsabilités nous, les animateurs, mettons en jeu, si on laisse trop de “laisser-aller”.

Quand et comment tu fais pour intervenir et rester garant du respect de la loi et de la sécurité ?

Alicia : Laisser la main aux adolescents, leur permettre de mener une action, un projet. C’est aussi les responsabiliser et donc leur rappeler qu’ils sont garants, eux aussi que l’activité ou le séjour de façon générale se déroule au mieux.
Le fait d’anticiper les problèmes éventuels au regard de nos possibilités, en tant qu’animateur mais aussi en tant qu’équipe et collectif, ça permet d‘appréhender une situation qui se complique avec du sens et donc plus d’impact et d’objectivité.

Anaïs : J’interviens lorsque des projets ou idées sont susceptibles de mettre en danger les jeunes (Ex: des projets comme fuguer, sauter d’une falaise, sortir la nuit…sont proposés) Dans ces cas-là j’ouvre une discussion avec les jeunes pour qu’ils/elles se posent les questions ;
Comment rendre ça sécurisant ?
Quels sont les risques ?
Qu’est-ce qu’on peut faire pour se mettre en sécurité ?
S’il se passe ça, on gère comment ?
Est-ce que la loi est respectée?…
J’accompagne les jeunes à trouver les solutions et réfléchir d’eux-mêmes en se rendant compte des risques potentiels.

Tristan : Cela marche avec des rappels réguliers, expliquer le cadre dès le départ et réintervenir en cas de nécessité notamment lorsque le cadre est testé. Même s’il est fatiguant pour eux d’être ramené au cadre, il ne faut pas oublier que c’est également sécurisant pour eux d’avoir une limite. Ce qui semble également important c’est d’évoquer la conséquence pour qu’ils aient tous les éléments en tête.

Que dirais tu à celles et ceux qui pensent que donner du pouvoir aux jeunes est une menace pour l’autorité de l’adulte ?

 

Anaïs : Je pense que donner le pouvoir aux jeunes ne menace pas l’autorité de l’adulte, au contraire il le renforce. Les ados sont totalement capables de prendre des décisions réfléchies et sensées avec un accompagnement adapté. Si les décisions sont prises par les ados cela aura plus de chances d’être respecté car on leur fait confiance dès le début.
Ils/elles se sentent considéré, ils/elles vont nous faire confiance et jouer le jeu, tout en sachant qu’ils/elles peuvent compter sur nous.

Massa : Je répondrai à ces personnes, qui n’ont jamais laissé de liberté aux adolescents, que c’est un truc à tester parce que justement quand tu leur donnes des libertés ils sont plus dans la compréhension et dans l’écoute vu que tu leur dis : “Là je te donne des libertés et je peux te les reprendre aussi”. Ils ne font pas n’importe quoi, ils sont plus dans la compréhension, dans le lien avec les animateurs je trouve.

Tristan : Je pense que c’est le fait de donner trop de pouvoir aux adultes qui est une menace, des jeunes peuvent être en capacité de savoir ce qui est bon pour eux et c’est un préalable à la relation, à l’accompagnement, s’appuyer sur eux. Des adultes qui décident toujours pour les jeunes ce n’est pas souhaitable, les institutions rendent déjà bien assez docile les jeunes qui ne décident presque jamais de ce qui les concerne.

Alicia : Je pense qu’il est plus raisonnable de donner du pouvoir à un jeune averti plutôt que d’affirmer l’autorité d’un adulte insensé.
N’oublions pas qu’un jeune est également un futur adulte, il est pour moi préférable de construire un cadre de référence partagé avec eux pour éviter un dialogue frontal, parfois plus menaçant.

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Publié le 8 novembre 2023 Par Mathieu Mauvieux
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