Animer en ACM en coéducation avec les familles

 

Si la loi oblige normalement les équipes d’animation à communiquer les projets éducatifs et pédagogiques aux représentants légaux (source), la pratique majoritaire est bien différente. 
De l’absence totale d’information aux mensonges des pratiques, en passant par la seule diffusion des planning d’activités et du règlement de la structure, la plupart des équipes pédagogiques sont frileuses pour réellement partager avec les familles, construire avec, coéduquer…

Les enjeux de la coéducation

Les causes et effets d’un projet fantômeCo education

Il était une fois un ACM qui avait écrit un joli projet pédagogique. Ce projet contenait des objectifs éducatifs tirés de la politique éducative de l’organisateur (le projet éducatif), et d’un diagnostic partagé sur le public et l’environnement. L’équipe d’animation était motivée, réfléchie, dynamique. Elle mettait en place des animations cohérentes qui répondaient même aux attentes du public… Le monde parfait… Sauf que cette équipe travaillait seule.

Sous la pression d’un nouvel élu et de quelques familles qui souhaitaient avoir une meilleure lisibilité des actions menées dans la structure, le directeur céda et diffusa des plannings d’activités. Ce fut la seule information communiquée. Les familles épluchèrent alors le seul document qui leur été remis et pensèrent vite qu’un peu plus de sorties par exemple seraient pas mal pour leurs enfants… Un thème aussi serait mieux… L’élu (qui n’avait que ce planning pour juger) leur donna raison. 

Le directeur programma alors davantage de sorties au cinéma et un ou deux parcs d’attractions par an. Il proposa aussi son premier thème : “Je connais ma ville”, tiré directement des objectifs du projet pédagogique.

Entraînés par cette évolution, les parents, appuyés par l’élu, demandèrent plus des sorties ludiques. Ils demandèrent aussi aux directeurs d’égayer un peu ses thèmes. Halloween, le printemps, ou Disney seraient sans doute plus sympa pour les enfants…

Une petite lutte de pouvoir laissa place rapidement à une programmation de consommation sans aucun intérêt éducatif pour les enfants.

“Impossible de revenir en arrière” disaient les animateurs. Les parents veulent ça…

“Les animateurs sont des amuseurs d’enfants” disaient les familles…

“On peut acheter une console de jeux pour le centre ?” demandaient les enfants…

 

Si l’on considère que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, alors on peut se demander pourquoi ils ne souhaiteraient pas le meilleur pour eux. Ils le souhaitent.

L’absence d’un réel projet de structure ou de sa communication amène irrémédiablement vers une animation de consommation.

L’intérêt de respecter la loi

co educationDes familles qui comprennent un projet ont plus de chance d’y adhérer que des familles qui ne le connaissent pas. 

Une fois le projet partagé et compris, les familles ont plusieurs choix :

  • S’y investir et participer à sa réussite
  • Ne pas s’y intéresser donc ne pas le freiner
  • Le critiquer (donc proposer des alternatives construites)

Mais l’intérêt ne concerne pas seulement son propre centre, sa propre ville ou sa propre association… Partager son diagnostic, les objectifs éducatifs et les démarches pédagogiques d’une équipe d’animation permet aussi de valoriser tout un secteur professionnel.

Mais l’intérêt ne concerne pas seulement la valorisation de notre métier et de l’éducation populaire… Il favorise la compréhension de la coéducation pour la génération actuelle, le vivre-ensemble, il permet de s’interroger et de partager sur à peu près tous les sujets d’un quartier, d’une ville. C’est un formidable outil de démocratie participative que nous ne devons pas sous évaluer.
Lorsque les maisons de quartiers, centres sociaux rament pour rassembler du public, les accueils de loisirs ne peuvent pas oublier qu’ils rencontrent les familles chaque jour…

“Il faut tout un village pour élever un enfant” (Proverbe Wolof)

Quelques démarches possibles

Avant toute chose, communiquer, valoriser, échanger ou débattre un projet sous-entend que le projet existe réellement. Les exemples de démarches proposées ci-dessous partent de l’hypothèse qu’un projet pédagogique construit et solide existe et qu’il est partagé par l’équipe.

Quels moyens possibles existe-t-il pour communiquer et valoriser son projet (pour une équipe d’animation) ?

dessin coeducationPresque toutes les animations sont possibles, du moment qu’elles valorisent le fond du projet de structure :

  • Multiplier les rencontres formelles ou non, les weekends, ou en soirées, le matin autour d’un café
  • Organiser des réunions d’information et diffuser largement les compte-rendus
  • Créer des affichages clairs et explicatifs sur le fond du projet
  • Ecrire des articles dans les journaux locaux, appeler la presse ou le service communication de la ville aussi souvent que possible
  • Créer le blog ou le site internet de la structure, et le faire vivre chaque semaine par les enfants eux-mêmes et l’équipe
  • Créer des portes ouvertes ou mieux, ne fermer pas les portes.
  • Préférer des activités de fond au moment des accueils familles au lieu des temps informels de jeux de sociétés, de dessins…
  • Créer un journal de centre avec les enfants, voire avec certains parents
  • Créer des initiatives avec les familles en les impliquant directement dans l’organisation (notamment en “allant chercher” les compétences des uns et des autres)
  • Valoriser les projets des enfants par des photos, des vidéos, des affiches bien placées dans le centre… En évitant les spectacles communs ou fresques anciennes ou dénuées de légendes explicatives.
  • Communiquer les bilans annuels des projets de la structure éducative
  • Communiquer largement une version simplifiée, lisible et agréable des projets (en évitant les vérités vraies de “sécurité physique et affective”, d’autonomie et de vie en collectivité, puisque valables pour tous, tout le temps)
  • Rédiger en équipe un livret d’accueil pour les enfants en y intégrant (en plus des horaires et contacts habituels) une présentation simplifiée mais parlante du projet
  • Et tout ce qu’une équipe d’animateurs plus jeunes que moi pourra inventer pour promouvoir ses actions concrètes !

De quels moyens dispose une équipe pour coéduquer, impliquer réellement les familles?

famille et acmEncore une fois, presque toutes les animations de concertation sont possibles :

  • Un conseil de parents (avec élections, puis ordre du jour, débats et compte-rendus)
  • Des initiatives pour échanger, débattre, partager, construire ensemble comme lors des fêtes communales
  • La mise en place de projets ponctuels ambitieux en sollicitant l’expertise professionnelle de certains parents
  • Le questionnaire, ou sondage, en diffusant les résultats
  • Les interviews des parents volontaires
  • La coanimation de certaines activités de qualité

Quelles actions quotidiennes de l’animateur peuvent favoriser l’intérêt des familles ?

l'animateur et la familleSi je pense que le sujet des familles est à réfléchir en équipe, il est parfois difficile, lorsqu’on est animateur, de sensibiliser ses collègues à la question.

Quelques actions individuelles peuvent alors favoriser la prise de conscience des autres animateurs, et contribuer à ouvrir la voie :

  • Penser à valoriser les projets effectués, en expliquant la démarche employée avec les enfants (et en aidant ses collègues à le faire!)
  • Soigner les activités proposées pendant les temps d’accueil des familles
  • Être curieux des métiers et activités des parents. C’est une ressource intéressante pour les activités
  • Si l’on demande une planification des activités, choisir les mots, les noms pour susciter la curiosité, l’intérêt…
  • Proposer lors des réunions d’équipe, des actions et animations ponctuelles permettant de rencontrer les parents, d’échanger, de partager…

Conclusion

La communication des projets éducatifs et pédagogiques auprès des premiers éducateurs semblent être une évidence en terme de principe puisqu’elle assure la transparence des actions.
C’est d’autant plus essentiel qu’il en va de la survie de notre crédibilité en baisse constante, de l’éducation populaire (mariée de force à l’animation), et des colos qui meurent année après année.

Lorsque les organisateurs et équipes d’animation de qualité sauront communiquer sur le fond, ils éclaireront les parents sur leurs choix et priorités, et participeront à une forme efficace d’éducation populaire.

Communiquer est une question de survie si l’on ne veut pas laisser notre place à Telligo (qui serait bien incapable de défendre un projet de société intéressant).

Mais pour communiquer, il faut d’abord penser un réel projet lisible, parlant pour les familles et concret pour les enfants et les jeunes…

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Publié le 1 juin 2016 Par Sylvain Stienon
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