Le jeune et son groupe de pairs

Le groupe n’existe pas !

Un groupe, c’est surtout une définition, une identité que se donnent les jeunes pour dire qu’ils sont ensemble, qu’ils partagent quelque-chose, qu’ils ont un quelque chose en commun. Cela n’a rien de pratique. On ne peut ni raisonner, ni convaincre, ni sensibiliser un groupe et encore moins lui faire confiance ou discuter avec. Le groupe ne permet pas grand chose mais c’est un indicateur à observer pour comprendre comment les jeunes se lient les uns aux autres, comment ils vivent ensemble. On va pouvoir observer en se posant des questions comme celles qui suivent. Est ce que les jeunes se reconnaissent comme un seul groupe ou est ce qu’ils se sont séparés en plusieurs groupes ? Les décisions sont elles prises par un seul jeune ? Est ce qu’il y a des jeunes qui n’osent pas parler ? Est ce qu’il y a des jeunes se régulent les autres ? Qui agit ? Qui organise ? Quels sont leurs codes, leurs habitudes ? Quel place est donné aux adultes ? Les observations, les réponses qu’on va trouver à nos questions vont nous indiquer la marche à suivre.
Une fois libéré de l’idée de groupe, on voit plus facilement chaque jeune, individuellement, ses relations avec les autres et son influence sur les autres. C’est aussi très intéressant à observer parce que ça ouvre beaucoup de pistes d’action, de moyens de régulation.

Les interactions entre les jeunes

A partir du moment où ils sont ensemble, les jeunes vont se regarder, se parler, se retrouver ou s’éviter, s’entraider ou au contraire laisser les autres faire. Ils vont peut-être se frotter, se tester pour trouver un moyen de créer du lien entre eux en s’accordant sur un fonctionnement. Toute cette phase de test est cruciale pour un animateur. En y étant vigilant, on peut corriger, avant que s’installe ce qui ne nous convient pas dans le fonctionnement, en rencontrant moins de résistance que si on attend.
La difficulté est d’arriver à se mettre d’accord précisément sur les comportements, les façons de communiquer et d’agir avec les autres. En sachant qu’on est pas tous clair et cohérent sur ce qu’on exige des autres, sur ce qu’on interdit, sur l’espace de liberté qu’on laisse, sur notre définition du respect et de la politesse dans les actes, il faut arrivef à se mettre d’accord pour définir les bases d’un cadre qui nous permette de nous parler et de nous entendre. C’est pour ça qu’il faut que l’équipe d’animation se mette d’accord déjà entre eux en amont du séjour sur un cadre minimum, non-négociable et que les anims régulent les jeunes par rapport à ce cadre.
Un autre façon d’aider les jeunes à s’accorder sur leur façon de faire entre eux, c’est d’organiser la “friction”, de faire des activités où ils vont se rencontrer, apprendre à connaître l’autre, ce qu’ils vont pouvoir faire avec et sur quoi ils vont devoir faire des efforts pour se comprendre.

La place des jeunes dans le groupe

Une fois que les jeunes se sont approchés, ou plutôt pendant qu’ils le font, ils prennent une place les uns par rapport aux autres. Certains jeunes prennent le lead, parce qu’ils sont force de propositions et qu’ils sont écoutés, qu’ils rassemblent naturellement. Ils influencent les décisions des autres. D’autres choisissent un leader à suivre et changent de leader ou reprennent le lead quand les décisions ne leur conviennent pas.
Savoir qui a pris le lead a son importance parce que les décisions de ces jeunes impliquent, notamment l’intérêt qu’ils portent à l’avis de ceux qui les suivent. En fonction des jeunes et des situations, ils peuvent être envahissants, écrasants et prendre trop de place ou au contraire réguler, permettre à chacun de donner son avis et d’être considéré par les autres. Pour mettre en place un fonctionnement et pour réguler le groupe, il est possible de passer par les leaders (ou pas si l’on pense que leur lead est “écrasant”). En responsabilisant et en valorisant les leaders positifs, ou les jeunes qui suivent mais qui sont en capacité de prendre le lead, on peut amener le groupe de jeunes à s’approprier un fonctionnement démocratique en s’autorégulant.
Il est aussi important de porter attention aux jeunes qui suivent parce qu’ils peuvent se sentir écrasés, ne pas trouver leur place, ne pas se permettre de donner leur avis. Ils peuvent être très mal à l’aise par rapport aux autres et chercher à le cacher pour ne pas se faire remarquer. Quelques signes doivent nous alerter comme leur capacité à proposer, à dire ce qu’ils veulent faire ou pas, l’attention que les autres leur portent…

En conclusion

La notion de groupe nous éloigne de la préoccupation que nous devrions avoir pour chaque jeune et son lien aux autres. En ne regardant que les jeunes et leurs façons de se lier les uns aux autres, on peut les accompagner de manière plus efficace et personnalisée. On va notamment faire attention à ce que chaque jeune ait la parole en restant attentifs aux autres, à ce qu’aucun ne pose de barrière avec les autres jeunes mais en s’accordant sur des codes pour que chacun se sente respecté et valorisé. Cette observation de chaque jeune nous permet de définir ce dont il est capable par rapport aux autres et de nous adapter pour le soutenir quand il en a besoin. C’est quelque chose de particulièrement important pour mener un projet comme celui d’Evasoleil où les jeunes vont être amenés à mener une activité, à prendre la parole devant le groupe pour défendre des points de vue, à rencontrer des jeunes dont les quotidiens sont différents. Nous demandons aux jeunes de sortir de leurs zones de confort et de ne pas rester dans ce qu’ils savent déjà faire. Nous devons mesurer et les accompagner dans cette “prise de risque” pour leur assurer une sécurité et leur permettre d’être en réussite.