La vie de ce pasteur est connue et, sans revenir sur la genèse et l’histoire des colonies de vacances, il faut rappeler que Hermann Walter Bion réalisa la première expérience qui jeta les bases des colos en Europe : les Ferien Kolonien.
Pourtant, il existe très peu d’informations disponibles en français et en anglais. Pour connaître plus d’éléments biographiques, il faut chercher dans les pages germanophones. Car c’est en Suisse alémanique, dans la région de Zürich, qu’il vécut et développa ses œuvres.
Biographie et Contexte Familial
Hermann Walter Bion naquit le 29 avril 1830 à Affeltrangen, une petite ville du nord-est de la Suisse, située entre Zürich et le lac de Constance, dans le canton de Thurgovie. Il est le fils de Wilhelm Friedrich Bion, théologien protestant, homme politique et fondateur de plusieurs journaux de tendance radical-libérale. (1) De plus, il est issu d’une famille protestante française qui fuit la France au 17e siècle après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 par Louis XIV, qui voulait chasser « l’hérésie protestante » de son Royaume.
Parcours Scolaire et Débuts de Carrière
À l’âge de 18 ans, Hermann Walter Bion choisit de suivre la voie de ses ascendants et d’étudier la théologie. Il s’inscrit d’abord à l’Université de Zürich, puis quitte après quatre semestres pour rejoindre celle de Tübingen en Allemagne, dans la région de Francfort. Là, il suit les cours de Ferdinand Christian Baur, théologien protestant allemand et fondateur de la Jeune école de Tübingen au sein du séminaire évangélique (Tübinger Stift). Cette école constitue un pilier du Protestantisme libéral en Allemagne et forma de nombreux théologiens, philosophes et poètes. Bion devint ainsi un disciple convaincu et enthousiaste de ce théologien libéral.
Il devient « Vater B. » (Père B.)
Après ses quatre années d’études sanctionnées par un diplôme de théologie, Bion débuta sa carrière ecclésiastique en tant que vicaire. Après seulement sept mois, il fut désigné Pasteur de la paroisse de Rehetobel, près de Saint-Gall en Suisse. C’est là qu’il entama ses activités en faveur de l’aide sociale et qu’il fonda sa première œuvre caritative. Selon lui, tous les habitants démunis de la paroisse doivent être pris en charge matériellement, moralement et spirituellement, sans distinction de lieu ni de confession.
Engagement Social et Politique
En 1856, Bion devint Pasteur dans la municipalité voisine de Trogen, où il fonda à nouveau une œuvre avec l’aide de bénévoles. Deux ans plus tard, il épousa Katharina Luise Tobler, héritière d’une riche famille de Trogen. Rapidement, il fut nommé président du conseil de l’école cantonale.
Le 1er juillet 1862, lors d’un discours à l’exécution d’un meurtrier, cette expérience le marqua profondément. Elle le poussa à s’engager en politique pour abolir la peine de mort dans le canton d’Appenzell. Par ailleurs, son engagement social en faveur des plus démunis, son énergie et son talent lui valurent d’être élu président de la société de charité du canton d’Appenzell. Il s’occupa également du département dédié à la petite enfance, orientant ainsi son action vers la protection de l’enfance.
Son talent pour lever des fonds et mobiliser les énergies sociales lui valut une solide réputation de bienfaiteur. Il écrit : « Le plus difficile pour moi est probablement ce que beaucoup pensaient le plus facile : la collecte d’argent. J’avais la réputation de posséder un talent particulier pour lever des fonds et il y a même un homme amical et bienveillant qui m’a surnommé le « brillant aumônier ». En fait, le don naturel que je possédais était de prendre sur moi quand d’autres étaient dans le besoin ». (2)
La Première Ferien-Kolonie
Après seize années à Trogen et plusieurs tentatives infructueuses pour prendre la tête d’autres paroisses, Bion décida en 1873 de devenir prédicateur dans la plus grande et la plus pauvre des paroisses de Zürich, auprès des enfants de la classe ouvrière. Selon ses propres mots, lui qui avait toujours caressé l’espoir d’étudier la médecine se retrouva plongé au cœur de l’humanité la plus démunie.
En 1876, Hermann Walter Bion créa ce qui restera dans l’histoire comme la première « colonie de vacances ». Il emmena soixante-huit enfants encadrés par une dizaine d’enseignants dans les montagnes voisines. Dispersés chez les paysans, ils se rassemblèrent plusieurs fois par semaine pour organiser des jeux, des chants et des randonnées. De plus, Bion choisit l’expression de Ferien-Kolonie pour évoquer l’imaginaire du colon en quête d’une vie nouvelle et meilleure. (3)
Plusieurs disciples protestants français s’inspireront de son exemple pour créer les colonies de vacances en France, Edmond Cottinet étant le plus illustre d’entre eux, et ils feront partie des personnages clés de l’Histoire des colonies de vacances.
Œuvres Reconnaissables et Décès
Parmi les nombreuses actions sociales menées par Bion, on compte la création d’un hôpital à Trogen, la fondation d’une branche de la Croix-Rouge dans le quartier Fluntern à Zürich, ainsi que plusieurs sanatoriums pour traiter le rachitisme et la tuberculose chez les enfants défavorisés.
En France, ses travaux en faveur de l’éducation lui vaudront, en 1887, la décoration Officier de l’Académie du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts. En 1904, plusieurs parlementaires suisses déposèrent sa candidature pour le prix Nobel de la Paix. Toutefois, le 4e Prix Nobel fut finalement décerné à l’Institut de droit international (Belgique). (4)
Hermann Walter Bion décéda le 3 septembre 1909 à l’âge de 79 ans. Trois ans après sa mort, une petite rue de Zürich fut baptisée en son honneur : la Bionstrasse, toujours existante aujourd’hui.
Notes
(1) Dictionnaire historique de la Suisse. Bion, Wilhelm Friedrich. http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F11559.php
(2) Rauch Thilo. Die Ferienkoloniebewegung, Deutscher Universitätsverlag, 1992.
(3) Childhood in the Promised Land: Working-Class Movements and the Colonies de Vacances in France, 1880–1960 (1999), Laura Lee Downs.
(4) Site officiel du Comité Nobel. https://www.nobelprize.org/nomination/archive/show.php?id=1065
Sources
Rauch Thilo. Die Ferienkoloniebewegung, Deutscher Universitätsverlag, 1992.
Hausmann, Gottfried, « Bion, Walter » in : Neue Deutsche Biographie 2, 1955. https://www.deutsche-biographie.de/sfz4528.html#ndbcontent
Dictionnaire historique de la Suisse. Bion, Hermann Walter. http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10540.php