Edmond Cottinet, le père des colonies de vacances

L’histoire oubliée d’Edmond Cottinet (1824-1895) apporte un éclairage nouveau à la genèse des colonies de vacances dirigées par des instituteurs, à Paris à la fin du 19e siècle.

« Les Français ne savent pas ce qu’ils doivent à Edmond Cottinet.

Ils ignorent que derrière ce nom à la sonorité délicieusement IIIe République se cache l’homme qui permit à des millions d’enfants de goûter aux joies des feux de camp, des chasses au dahu et des batailles de polochons. » C’est ainsi que commence un article publié en 2009 dans « Le Monde des livres ». (1) De la IIIe République qui a duré de 1870 à 1940, l’Histoire a retenu les Mac-Mahon, Poincaré, Blum…, mais qui se souvient d’Edmond Cottinet ? De ce personnage, on sait finalement peu de choses.

On sait qu’il est journaliste et critique littéraire pour diverses publications telles que « Le Courrier du dimanche », et auteur dramatique de poèmes et de pièces de théâtre.
Il est possible de consulter plusieurs de ses œuvres  sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France. (2) L’on sait également de lui qu’il est bel homme, et cela grâce à un portrait réalisé par le célèbre photographe Gustave Le Gray, aujourd’hui exposé au Cleveland Museum of Art, aux Etats-Unis. (À découvrir ici).

Edmond Cottinet le philanthrope

Edmond Cottinet est philanthrope et c’est ce qui le conduisit au poste de délégué cantonal de Paris, en charge donc de surveiller les écoles de son canton. L’Association des Amis et Passionnés du Père-Lachaise (le cimetière où il repose) affirme que c’est au cours d’un voyage en suisse que Cottinet aurait découvert l’expérience en Suisse du Pasteur Hermann Walter Bion. (3).  Mais l’Institut Français de l’Education estime pour sa part que Cottinet, protestant lui aussi, imita des initiatives en France émanant du Pasteur Lorriaux et d’Elise de Pressensé, eux-mêmes personnages clés de la naissance des colonies de vacances et disciples de Bion. (4)

Quoiqu’il en soit, Edmond Cottinet réussit, en sa qualité de délégué cantonal, à convaincre le conseil d’administration de la Caisse des écoles du 9e arrondissement de Paris de financer l’envoi à la campagne de quelques-uns des élèves les plus nécessiteux pendant les grandes vacances. La Caisse des écoles est alors une institution qui vient d’être généralisée à chaque municipalité l’année précédente par la réforme de l’Éducation nationale de Jules Ferry. Celles-ci doivent permettre à la France de rattraper son retard sur l’ennemi prussien en matière d’éducation, en soutenant la scolarisation des élèves indigents.

Edmond Cottinet obtient cinq cents francs de la Caisse, auxquels s’ajoutent des dons de particuliers qui lui permettent finalement, à l’été 1883, d’envoyer dix-huit écoliers-colons pendant trois semaines à la campagne : les garçons à l’école normale de Chaumont en Haute-Marne et les filles dans un pensionnat privé à Luxeuil en Haute-Saône.

En tant qu’Administrateur délégué de la Caisse des écoles et du Comité des colonies, Edmond Cottinet rédige un rapport de cette première expérience à la fin de l’année 1883. Dans les lignes qui suivent, il y explicite clairement ses motivations : « Les colonies de vacances sont une institution d’hygiène préventive au profit des enfants débiles des écoles primaires, des plus pauvres entre les plus débiles, des plus méritants entre les plus pauvres. — Elles n’admettent pas de malades. — Elles ne sont pas une récompense. — Leur objet est une cure d’air aidée par l’exercice naturel en pleine campagne, par la propreté, la bonne nourriture, la gaieté. » (5)

Fort de sa première expérience réussie, Edmond Cottinet parviendra à convaincre au cours des années suivantes le Conseil municipal de Paris de l’intérêt de sa démarche. Un Comité parisien des Colonies de vacances verra le jour, avec le concours de personnalités telles que l’écrivain Alexandre Dumas fils, ou encore le pédagogue Octave Gréard. L’année 1889, ce sont 45 000 francs qui seront alloués par le Conseil municipal aux colonies des écoles parisiennes, puis 200 000 francs en 1902 et 223 700 francs en 1910. (4)

Edmond Cottinet s’éteindra à Paris en 1895 à l’âge de 71 ans. Il restera dans la mémoire collective comme « le père des colonies de vacances ».

Références 

(1) « L’âge d’or des colonies de vacances », article de Thomas Wieder publié le 23 juillet 2009 sur lemonde.fr. http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/07/23/histoire-des-colonies-de-vacances-de-1880-a-nos-jours_1221899_3260.html

(2) Archives numérisées sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France. http://data.bnf.fr/14655426/edmond_cottinet/

(3) Fiche biographique d’Edmond Cottinet rédigée par l’Association des Amis et Passionnés du Père-Lachaise. https://www.appl-lachaise.net/appl/article.php3?id_article=2703

(4) Vacances (colonies de). Dictionnaire électronique de l’Institut Français de l’Education. http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3767

(5) Ce rapport est consultable en intégralité en version numérique sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k841653k/f1