La colonie de vacance en Russie : L'heure du retour des Pionniers ?

 

En Russie, Les colos existent également. Et semble-t-il ont une histoire aussi très lié à l’Histoire du pays, comme pour toutes les colonies de vacances du monde

Entre dérive nationaliste du Kremlin et projets privés pharaoniques, les colonies de vacances ont le vent en poupe en Russie.

Le Kremlin a lancé en 2015 un vaste plan pour que la jeunesse russe puisse reprendre en masse le chemin des colonies, désertées après la chute du communisme.
Mais selon les nombreux rapports de la presse occidentale, ceux-ci tiennent plus de camps paramilitaires que de colonies de vacances : on y enseigne les sports de combat, le maniement des armes et le culte du pouvoir.

Combien de jeunes se trouvent ainsi enrôlés dans ce « système fédéral de préparation militaire pour les citoyens russes » destiné à « façonner les caractères sur la base du système de valeurs de la société russe » ?
Sans données officielles, il faut s’en tenir à des estimations, selon lesquelles quelques deux cents milles jeunes fréquenteraient ce type de camps chaque été. (1) Ce n’est pas sans rappeler des temps passés…

Au temps des Pionniers soviétiques

Les Communistes à Moscou vouaient un véritable culte à la jeunesse, rappelle le site internet Guided History. (2)
Elle représentait à leurs yeux la promesse de l’avenir socialiste et donc la clé du succès de la révolution internationale marxiste.
Mais ils émettaient la condition que ces jeunes soient bien traités et éduqués politiquement. 

Peu après leur arrivée au pouvoir par la révolution de 1917, les Bolcheviques interdirent le scoutisme en Union soviétique et instaurèrent à sa place les Pionniers soviétiques, en 1922, fonctionnant main dans la main avec l’instruction publique : à chaque classe son équipe de pionniers rassemblant tous les élèves à l’exception des mauvais élèves et des ennemis du Peuple.

Le but de cette organisation des Pionniers était « d’aider l’enfant à être un bon écolier et aussi à devenir un futur citoyen conscient de tout ce que la Révolution d’octobre a apporté au peuple russe ».

Dans les camps de pionniers, on développait le culte de Lénine et Staline et on apprenait les chants patriotiques, mais on y pratiquait aussi des sports et on développait les goûts artistiques et scientifiques des enfants, par la pratique du théâtre, de la littérature, de la photo, des échecs, etc. (3) De fait, appartenir au mouvement était quasi-obligatoire de 9 à 14 ans et, à son climax dans les années 70, on compta jusqu’à 23 millions de ces jeunes pionniers.
Puis l’organisation fut dissoute avec le reste de l’Union soviétique au début des années 90.

La Russie n’échappe pas à la tendance mondiale

Privés du soutien de l’Etat depuis la chute du communisme, la plupart des 40.000 centres et colonies ont périclité dans les années 90.
Mais ils connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt et d’activité.

A l’heure actuelle, le phénomène des colonies de vacances en Russie va bien au-delà des tentatives du pouvoir de façonner la jeunesse russe à son image.

Les mêmes tendances qu’ailleurs en Occident se dessinent : accroissement du nombre des acteurs privés en faveur du développement de colonies de vacances thématiques (danse, cinéma, nature…) et plus centrées sur le développement de l’individu que le renforcement de la communauté.

L’exemple d’Artek, le bateau amiral de la jeunesse soviétique, est très parlant. Cette grande colonie de vacances inauguré en 1925 dans le cadre idyllique de la Crimée accueillait toute l’année la crème de la jeunesse. Véritable vitrine du socialisme, elle jouissait d’une aura quasi mythique. Avec le retour de la Crimée dans le giron russe en 2014, un grand projet d’investissement veut lui redonner ses lettres de noblesse. (4)

Le webjournal Russia Beyond The Headlines permet de mieux saisir l’ampleur du phénomène. En 2013, plus de 45.000 colonies de vacances russes ont accueilli au total 5,2 millions d’enfants et ce nombre devait dépasser 8,5 millions d’enfants en 2015, soit près de la moitié de la totalité des écoliers de cet âge. Selon la même source, le nombre de colonies de vacances augmente chaque année de 10 à 15%. (5)
On trouve même un portail de réservation (InCamp.ru) très similaire à ce que propose Booking.com dans le secteur de l’hôtellerie, afin que les parents puissent s’y retrouver dans la jungle des acteurs publics et privés !

Sources et références 

(1) Putin’s Boy Scout Army, Matthew Luxmooremay, publié dans Foreign Policy le 1er mai 2015. http://foreignpolicy.com/2015/05/01/putins-boy-scout-army-russia-military-patriotic-clubs-ukraine/

(2) The Soviet Cult of Childhood, Guided History, History Research Guides by Boston University Students. http://blogs.bu.edu/guidedhistory/russia-and-its-empires/elise-alexander/

 (3) Le mouvement des Pionniers en U.R.S.S. Ses rapports avec l’école [article], par André Adler, revue Enfance Année 1949 Volume 2  Numéro 3  pp. 266-270. http://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1949_num_2_3_1133

(4) Un camp de vacances vitrine de la jeunesse soviétique rouvre ses portes.

http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Un-camp-de-vacances-vitrine-de-la-jeunesse-sovietique-rouvre-ses-portes-2015-06-07-1320786

(5) Les colonies de vacances, un secteur de plus en plus lucratif en Russie, publié le 19 mai 2014 dans Rossiyskaya Gazeta, via Russia Beyond The Headlines (RBTH). https://fr.rbth.com/about