Hermann Walter Bion, le pionnier des colonies de vacances (1830-1909)

La vie de ce pasteur est connue et pas un retour sur la genèse et l’histoire des colonies de vacances n’omet de rappeler que Hermann Walter Bion a réalisé la première expérience qui a jeté les bases des colos dans le reste de l’Europe : les Ferien Kolonien.

Pourtant, il existe très peu d’informations disponibles en français et en anglais et pour connaitre plus d’éléments biographiques, il faut chercher dans les pages germanophones.
Car c’est en Suisse alémanique, dans la région de Zürich, qu’il a vécu et développé ses œuvres.

Hermann Walter Bion est né le 29 avril 1830 à Affeltrangen, une petite ville du nord-est de la Suisse, située entre Zürich et le lac de Constance, dans le canton suisse de Thurgovie.
Il est le fils de Wihelm Friedrich Bion, théologien protestant, homme politique et fondateur de plusieurs journaux de tendance radical-libérale (encore à ce jour, les Protestants sont en majorité relative dans le canton de Thurgovie, selon les données de l’Office fédéral de la statistique). (1)
Il est issu d’une famille protestante française qui a fui la France au 17e siècle en raison de la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 par Louis XIV souhaitant chasser « l’hérésie protestante » de son Royaume.

A l’âge de 18 ans, Hermann Walter Bion décide de s’engager dans la voie de ses ascendants et d’étudier la théologie.
Il s’inscrit à l’Université de Zürich, mais la quitte après seulement quatre semestres afin de rejoindre celle de Tübingen en Allemagne, dans la région de Francfort.
Il y suit les cours de Ferdinand Christian Baur, un théologien protestant allemand fondateur de la Jeune école de Tübingen au sein du séminaire évangélique de l’Université (Tübinger Stift).
Cette école représente un pilier du Protestantisme libéral en Allemagne et formera de nombreux théologiens, philosophes et poètes.
Hermann Walter Bion, comme tant d’autres, deviendra un disciple convaincu et enthousiaste de ce théologien libéral charismatique.

Il devient « Vater B. » (Père B.)

Après ses quatre années d’études, sanctionnées par un diplôme de théologie, Bion débute sa carrière ecclésiastique comme vicaire puis, après sept mois, il est désigné Pasteur de la paroisse de Rehetobel, non loin de Saint-Gall en Suisse.
C’est ici qu’il débute ses activités en faveur de l’aide sociale et qu’il fonde sa première œuvre caritative.
Selon sa conception, tous les habitants démunis de sa paroisse doivent être pris en charge matériellement mais aussi moralement et spirituellement, et cela sans distinction de lieu de résidence ni de confession.

En 1856, Bion devient Pasteur dans la municipalité voisine de Trogen, où il fonde à nouveau une œuvre avec l’aide de bénévoles. Deux années plus tard, il épouse Katharina Luise Tobler, héritière d’une riche famille de Trogen. Il devient rapidement le président du conseil de l’école cantonale.

Le 1er juillet 1862, il tient un discours lors de l’exécution d’un meurtrier. Cette expérience le marque profondément et le décide à s’engager en politique pour le combat en faveur de l’abolition de la peine de mort dans le canton d’Appenzell.

Son engagement social en faveur des plus démunis, son énergie et son talent contribuent à le faire élire au poste de président de la société de charité du canton d’Appenzell.
Dans le même temps, il s’occupe au sein de cette organisation du département dédié à la petite enfance, ce qui oriente son engagement social vers la protection de l’enfance. Son talent pour trouver des fonds et mobiliser les énergies sociales lui valent une solide réputation de bienfaiteur dans sa paroisse.
Il écrit : « Le plus difficile pour moi est probablement ce que beaucoup pensaient le plus facile : la collecte d’argent. J’avais la réputation de posséder un talent particulier pour lever des fonds et il y a même un homme amical et bienveillant qui m’a surnommé le « brillant aumônier ». En fait, le don naturel que je possédais était de prendre sur moi quand d’autres étaient dans le besoin ». (2)

La première Ferien-Kolonie

Après seize années à Trogen et plusieurs tentatives infructueuses pour prendre la tête d’autres paroisses, Bion prend la décision en 1873 de devenir prédicateur dans la plus grande et la plus pauvre des paroisses de Zürich, auprès des enfants de la classe ouvrière.
Selon ses propres mots : lui qui avait toujours caressé l’espoir d’étudier la médecine (il comptait parmi ses amis les plus proches des médecins à Zürich, Berne, Saint-Gall, Vienne…) s’est ainsi retrouvé plongé au chevet de l’humanité la plus démunie et la plus souffrante.

En 1876, Herman Walter Bion crée ce qui restera dans l’histoire comme la première « colonie de vacances ».
Il emmène soixante-huit enfants qui sont encadrés par une dizaine d’enseignants dans les montagnes voisines.
Dispersés chez les paysans, ils se rassemblent plusieurs fois par semaine pour organiser, des jeux, des chants et des randonnées.
Bion choisit à dessein l’expression de Ferien-Kolonie, habité par l’imaginaire du colon à la recherche d’une vie nouvelle et meilleure. (3)

Plusieurs disciples Protestants français s’inspireront de son exemple pour créer les colonies de vacances en France, Edmond Cottinet étant le plus illustre d’entre eux, et qui feront partie des personnages clés de l’Histoire des colonies de vacances.

Ses œuvres également reconnues en France

Parmi les nombreuses actions sociales également menées par Hermann Walter Bion aux différentes fonctions qu’il a occupé, il y a la création d’un hôpital à Trogen, de la branche de la Croix-Rouge dans le quartier Fluntern à Zürich et de plusieurs sanatoriums pour traiter le rachitisme et la tuberculose qui sévissaient couramment chez les enfants défavorisés.

En France, ses travaux en faveur de l’éducation lui vaudront, en 1887, la décoration Officier de l’Académie du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts.
En 1904, plusieurs parlementaires suisses ont déposé la candidature de Hermann Walter Bion pour le prix Nobel de la Paix. Mais le 4e Prix Nobel de l’histoire (la récompense a été créée en 1901) sera finalement décerné à l’Institut de droit international (Belgique). (4)

Herman Walter Bion décède le 3 septembre 1909 à l’âge de 79 ans. Une petite rue sera baptisée après lui à Zurich trois années après sa mort : la Bionstrasse, qui existe encore à ce jour.

Notes :

(1) Dictionnaire historique de la Suisse. Bion, Wilhelm Friedrich. http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F11559.php

(2) Rauch Thilo. Die Ferienkoloniebewegung, Deutscher Universitätsverlag, 1992.

(3) Childhood in the Promised Land: Working-Class Movements and the Colonies de Vacances in France, 1880–1960 (1999), Laura Lee Downs.

(4) Site officiel du Comité Nobel. https://www.nobelprize.org/nomination/archive/show.php?id=1065

Sources

Rauch Thilo. Die Ferienkoloniebewegung, Deutscher Universitätsverlag, 1992.

Hausmann, Gottfried, « Bion, Walter » in: Neue Deutsche Biographie 2, 1955. https://www.deutsche-biographie.de/sfz4528.html#ndbcontent

Dictionnaire historique de la Suisse. Bion, Hermann Walter. http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10540.php